Pourquoi choisir un milieu filtrant organique ?
Le concept de filtre compact repose sur deux principes intégrés dans une même étape de traitement : d’une part la filtration physique de particules et d’autre part le traitement biologique des polluants dissous via la croissance aérobie de microorganismes sur le matériau filtrant (MF), sous forme de biofilm. Dans un filtre compact, l’eau en sortie de fosse toutes eaux est distribuée sur la surface du lit filtrant pour ensuite s’écouler par gravité à travers un réseau de pores, propre au MF utilisé. Ce mouvement de l’eau vers la base du MF permet d’entraîner naturellement l’air requis pour le traitement biologique, principe nommé « aération passive ». L’eau ainsi traitée est drainée à la base du filtre avant d’atteindre le milieu récepteur.
Plusieurs types de matériaux filtrants, se regroupant en trois catégories, peuvent être utilisés pour assurer les fonctions de filtration et de support à la croissance des microorganismes : les matériaux de nature minérale (sable, zéolite, laine de roche, silicate de calcium, etc.), organique (fragments de coco, écorces de pin maritime, écales de fruits à coque, xylit, etc.) et synthétique (plastiques). Indépendamment des matériaux, la performance et la durabilité d’un filtre compact sont fonction des mêmes facteurs en interaction, qui conditionnent son dimensionnement et sa longévité en conditions d’ANC [1] :
- La porosité initiale du MF (micro et macroporosité) ;
- L'écoulement des fluides dans le lit filtrant via la macroporosité ;
- La résistance au tassement du MF selon le comportement dans la durée du matériel par action physique, chimique ou biologique.
Des caractéristiques du milieu filtrant indispensables pour une épuration durable
L’eau à traiter, l’air requis par le procédé et les gaz produits s’écoulent au travers des pores dont la taille est la plus importante (macropores). Les plus petits pores (micropores), quant à eux, sont en général remplis d’eau en raison de la capillarité plus importante, ce qui permet de maintenir une humidité favorable au traitement biologique, même en conditions de non-utilisation plus ou moins longues, caractérisant par exemple les résidences secondaires. À cet égard, les matériaux montrant une forte microporosité, notamment les MF intrinsèquement poreux d’origine organique ou minérale (fragments de coco, zéolite) sont nettement plus efficaces que les matériaux synthétiques ou minéraux faiblement microporeux (certains plastiques, sable) [2]. En effet, une forte microporosité favorise grandement la résilience d’un matériau filtrant face aux conditions variables et d’intermittence caractérisant l’ANC.
Au fil du temps, l’état du MF et de son réseau de pores évolue, en raison principalement des facteurs suivants :
- L’activité de la biomasse épuratoire et sa croissance produisent des boues qui s’accumulent au sein du MF ;
- Le tassement du massif filtrant par action physique, chimique, ou biologique sur le MF diminue la macroporosité.
Ainsi, quelle que soit la nature du matériau, les boues accumulées dans le massif filtrant et/ou les changements d’état du massif, occasionneront à terme, la nécessité de régénérer ou de remplacer le MF.
Ainsi, pour assurer une performance soutenue et une durée de vie du matériau filtrant dépassant 10 ans, selon le niveau de sollicitation, la conception d’un biofiltre compact doit suivre certains principes fondamentaux. Sachant que tout matériau organique subira une dégradation biologique avec le temps, il est important de sélectionner des MF organiques qui ont une grande résistance aux attaques biologiques afin d’assurer le maintien de ses propriétés épuratrices tout au long de sa vie utile. Par exemple, une forte teneur en lignine rend un matériau filtrant particulièrement résistant à la biodégradation (ex : fragments de coco, écorces de pin maritime).
Nous reviendrons bientôt plus en détails, dans une publication nationale, sur les caractéristiques des différents types de MF et leurs impacts sur les performances à long terme des filtres compacts.
L’entretien régulier garant de la longévité des milieux filtrants
Tout au long de son utilisation, il est important d’entretenir le MF des filtres compacts afin de pérenniser les écoulements et l’aération du milieu filtrant. Les eaux à traiter s’écoulant par percolation, et les filtres compacts étant des procédés mettant en jeu des cultures fixées sur support fin (CFSF), les boues s’accumulent en général principalement dans les couches superficielles du lit filtrant, de façon analogue à ce qui se produit dans les filtres traditionnels en ANC [3]. Il importe donc de vérifier la présence de flaquage et de court-circuit potentiel. Au besoin, les matériaux de type vrac peuvent être raclés sur une hauteur d’environ 15 à 20 cm afin de rétablir les écoulements fluides et la macroporosité nécessaires au traitement. Les matériaux plus rigides, notamment les MF minéraux et synthétiques, peuvent être nettoyés et débarrassés des boues accumulées à l’aide d’une méthode adaptée. Cette opération doit être réalisée en dehors du filtre, ce qui complexifie la maintenance et augmente les risques de contamination autour de l’installation. En effet, le récurage des boues de ce type de matériel au sein même du réservoir du filtre n’est pas recommandé en raison des risques de voir celles-ci se réaccumuler plus profondément dans le lit filtrant, voire de se retrouver à l’exutoire, dans le milieu récepteur. Choisir un milieu filtrant organique c’est choisir la simplicité pour la maintenance du milieu filtrant.
Une gestion vertueuse du milieu filtrant en fin de vie
En fin de vie, tout type de massif filtrant usagé sera composé d’un mélange du matériau filtrant et des boues et particules accumulées au fil des années de traitement des eaux usées. Ainsi, la nature du MF (minéral, synthétique ou organique) aura un impact significatif sur le mode d'élimination ou de valorisation en fin de vie. Dans le cas des fragments de coco et des écorces de pin utilisés dans les produits d’ANC, il s’agit d’un matériel solide absorbant qui contient une proportion de boues d’origine strictement domestique (pas de rejets industriels comme dans un réseau collectif).
Nos travaux montrent que les fragments de coco usagés sont composés à 90% de matière organique [4] et ont une texture homogène et consistante, présentant des propriétés agronomiques intéressantes. Contrairement à des boues d’épuration, ils se présentent sous une forme solide et fibreuse, facilement manipulable, malgré une teneur en eau de l’ordre de 85% en raison de la forte capacité d’absorption des fragments de coco. De ce fait, ils peuvent être utilisés comme un « intrant » structurant dans une filière de compostage [4].
La composition des MF fragments de coco usés a été déterminée par prélèvement d’échantillons de 18 installations en opération depuis 6 à 13 ans (moyenne d’opération de 9 ans). Un prélèvement indépendant supplémentaire a été réalisé en 2022 sur une filière de 11 ans par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB). Tous les résultats d’analyse sont présentés dans le DTA du biofiltre ECOFLO PE2 [4]. La comparaison des caractéristiques des MF fragments de coco usés aux critères de la norme NFU 44-095 concernant les composts de boues indique que toutes les valeurs limites sont respectées par au moins un facteur 2, et ce, bien que les caractéristiques de ces MF usés aient été mesurées avant toute stabilisation. Le MF fragments de coco usé est donc accepté en centre de compostage sous le code déchet 19 08 05 [4].
Quant aux matériaux filtrants minéraux et synthétiques, leur disposition en fin de vie dépend de la nature du MF utilisé, car celui-ci constitue la plus grande proportion du déchet à traiter. A cet égard, on peut s’interroger sur les voies d’élimination économiquement viables et respectueuses de l’environnement qui sont envisageables et qui nécessitent des évaluations au cas par cas. Par exemple, des travaux expérimentaux réalisés avec la zéolite usagée ont montré que ce matériau pouvait être intégré en certaines proportions (par exemple 5%) à un co-compost de boues d’épuration et de déchets verts sans modifier le processus de maturation du compost [5]. Par ailleurs, il a été montré que l’apport de zéolites dans des composts tendait à améliorer la qualité des composts et de certains sols [6].
Choisir un milieu filtrant dont les méthodes de renouvellement et retraitement en fin de vie sont démontrées et communiquées de manière transparente, c’est choisir un milieu filtrant qui pourra non seulement être traité après usage mais, en plus, être revalorisé en amendement agricole. Choisir un tel milieu filtrant c’est un choix éco-responsable.
D’un point de vue environnemental, choisir un milieu filtrant organique issu d’une ressource naturelle renouvelable, c’est favoriser une économie circulaire. Le choix d’un MF d’origine végétale s’inscrit dans le respect des limites planétaires, sans appauvrir les ressources non renouvelables telles que les milieux filtrants minéraux ou synthétiques. Notons toutefois, que la réutilisation d’un résidu de production, même de nature minérale (ex : zéolite), aura moins d’impact à cet égard.
L'analyse de cycle de vie (ACV) permet de prendre ces éléments en compte. Les ACV de dispositifs d’ANC sont publiées en France sous forme de Fiches de Déclaration Environnementales et Sanitaires (FDES) normées et disponibles publiquement sur la base Inies [7]. Néanmoins, un nombre très limité de FDES ont été publiées à ce jour. Cela ne permet qu’une comparaison anecdotique des impacts environnementaux des différentes solutions d’ANC.
[1] GILBERT (Y.), PETTIGREW (D.), BÉLANGER (M.C.) et LACASSE (R.) – Determining factors for development of organic filtering media. National Onsite Wastewater Recycling Association (NOWRA) (2015).
[2] KARAMANEV (D.G.), BÉLANGER (M.-C.), CHAVARIE (C.), CHAOUKI (J.) et MAYER (R.) – Hydrodynamics characteristics of a trickling bed of peat moss used for biofiltration of wastewater. The Canadian Journal of Chemical Engineering, 72: 411-417 (1994).
[3] ROLLAND (L.) - Analyses comparatives de systèmes d'infiltration-percolation : colmatage et outils de diagnostics - Thèse de doctorat, Université Montpellier II, 228 pp. (2009).
[4] Document Technique d'Application n°17.1/16-313_V3, FILTRE ECOFLO POLYETHYLENE PE2, www.cstb.fr/pdf/atec/BATIPEDIA/UMLU-3.pdf.
[5] RAMAEKERS (F.) - Devenir de matériaux filtrants usagés en compostage : cas de l’écorce de pin et de la zéolithe, Rapport DUT, Université de Perpignan, 32 pages + annexes.
[6] MONTALVO (S.), HUILIÑIRA (C.), BORJA (R.), SÁNCHEZ (E.), HERRMANN (C.) - Application of zeolites for biological treatment processes of solid wastes and wastewaters – A review - Bioresource Technology 301 (2020) https://doi.org/10.1016/j.biortech.2020.122808.
[7] Les données environnementales et sanitaires de référence pour le bâtiment – INIES www.base-inies.fr/iniesV4/dist/consultation.html.
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